Et si on faisait des choses inutiles ?

#creativite #travail #pensees

Quand j’étais plus jeune, je voyais mes proches coller et accrocher leurs puzzles dans des cadres. J’imagine que c’était une sorte de récompense et de satisfaction après avoir passé autant d’heures à en trier & en assembler les pièces. A l’époque, ça me semblait évident de faire ça, et j’aimais bien. Mais maintenant, je suis un peu moins fan de l’effet… puzzle ? 🤣

Comme je n’aime pas afficher les puzzles, j’ai donc arrêté d’en faire depuis longtemps (même si ça n’a jamais été une passion dévorante non plus). Et puis un jour, une amie m’a dit qu’elle adorait en faire, mais qu’elle les défaisait aussitôt terminés.

Là, mon cerveau a bugué : comment ça, défaire un truc sur lequel tu as passé des heures ?

De mon point de vue, ça devenait une activité un peu… inutile ?

Et le concept d’(in)utilité, c’est quelque chose qui me pose beaucoup question depuis quelque temps.

A quel moment ça a basculé ?

Je suis née en 96. Quand j’étais enfant, j’échangeais des feuilles Diddle, je nettoyais le caca de mon Tamagotchi, et je passais le CD d’High School Musical en boucle dans ma chambre en chantant Breaking free à tue-tête.

Je pense qu’on peut s’accorder à dire que rien de tout ça n’était vraiment “utile” : ça ne servait aucun but à part me faire rire, me procurer de la joie ou me distraire.

Puis en grandissant, j’ai appris à délaisser les choses considérées comme “futiles” pour me concentrer sur l’utile. (bon, les intérêts évoluent aussi, je ne suis pas en train de dire que ça me manque de jouer avec mon Tamagotchi haha)

Je crois que le pire, c’est quand j’ai vraiment commencé à travailler. J’ai quasiment toujours été à mon compte, et j’ai connu des périodes (pourtant pas les plus efficaces) où je ne pensais qu’à une chose : travailler plus, pour prouver que j’étais une bonne freelance et que j’avais de bons objectifs.

Au tout début de mon activité, je côtoyais énormément de personnes évoluant dans le monde de la startup, et j’avoue que ça a contribué à construire une image du travail que je considère aujourd’hui comme erronée.

Entre les gens qui prônaient les semaines de 70h, les wannabe Steve Jobs et les personnes qui considéraient le babyfoot comme le saint graal du bien-être au travail : j’ai longtemps imaginé devoir moi aussi viser le toujours plus pour être légitime.

Paradoxalement, je n’ai jamais réussi à incarner cette meuf ultra ambitieuse qui n’a peur de rien et vise des sommets. En revanche, j’ai bien intégré dans mon cerveau les préceptes tels que « ne compte pas tes heures », « après l’effort seulement, le réconfort » ou encore « deviens la meilleure version de toi-même ».

Le puzzle ou tout autre activité sans but ? Clairement pas une priorité dans ce contexte-là.

Mes passions ont fini par devenir le miroir de mon travail

Bercée par les discours de productivité, d’optimisation et de développement personnel, j’ai commencé à avoir du mal à me consacrer à des passions ou toute autre activité non rémunératrice dans le seul but d’y prendre du plaisir.

Je ne les ai pas complètement effacées de ma vie, mais c’est juste que je ne me voyais pas leur accorder une place démesurée, alors même que je ne roulais pas sur l’or. Et encore moins si cela signifiait rogner sur mes heures de travail.

Fort heureusement, depuis, j’ai revu ma copie et j’essaie désormais de ne plus me soucier tant de ces objectifs productivistes. Désormais, j’intègre volontiers des après-midi entières consacrées à des projets personnels (comme ce digital garden ou des activités qui me font kiffer. Et ce, sans rattraper des heures ailleurs pour me “punir” d’avoir osé prendre du temps pour moi.

Mais tout n’est pas encore gagné. En 2024, j’ai lu l’essai Travailler moins pour vivre mieux1 et parmi les passages surlignés, j’y ai retrouvé celui-ci :

Nous appréhendons les activités hors du travail comme des moyens au service de notre employabilité ou de notre productivité, et non pour elles-mêmes.

En le relisant, je me dis que ça résume à la perfection ce que je ressens encore parfois quand je prends du temps pour des activités censées être purement “récréatives”.

→ Dans les conseils sur la gestion du temps, je vois très très souvent le repos présenté comme d’un moyen d’être plus productive. Pas comme une fin en soi.

→ Je me suis parfois dégoûtée de certains jeux (comme ACNH) parce que je les abordais en mode “travail”, allant jusqu’à me faire une to-do list ou réfléchir à comment optimiser tel ou tel aspect de la création de mon île.

→ Parfois je me dis juste qu’une compétence que je suis en train d’apprendre (comme le dessin) sera bien utile pour de futurs projets, oubliant presque que ce genre d’activités n’a pas toujours besoin de servir un but, et peut être appréciée pour elle-même.

→ A l’inverse, j’ai parfois remis en question mes projets cosplay en me disant que ça ne servait strictement à rien, et que c’était par conséquent une perte de temps.

Mais comme le dit si bien Céline Marty dans son livre :

Nos actions ont de la valeur en elles-mêmes : il n’est pas nécessaire de prouver leur utilité économique ni même sociale pour les légitimer.

Et je crois que c’est ça le plus dur dans notre société : ne pas se définir uniquement au travers du travail, ni relier chaque aspect de nos vies à lui.

Après tout, à la question « Tu fais quoi dans la vie ? » on répond rarement « Je fais et défais des puzzles pour le kiff ». (alors qu’on pourrait !)

Une petite liste d’activités que j’essaie de faire pour le plaisir

  • Lire des livres. Pas parce que je dois atteindre un certain nombre par mois / année mais parce que j’ai envie de m’évader et de découvrir des univers.
  • Gribouiller dans un carnet de croquis. Pas parce que je dois à tout prix me perfectionner ou faire un dessin utile, mais juste parce qu’un onigiri avec des yeux c’est mignon.
  • Apprendre le japonais. Pas parce que ça pourrait me servir un jour si jamais je veux finalement reprendre des études en traduction, mais parce que je trouve juste cette langue trop belle.
  • Me cosplayer. Pas parce que je compte m’inscrire à un concours mais juste parce que ça me fait plaisir.
  • Faire un puzzle. Pas parce que je dois absolument l’afficher à la fin, mais juste parce que c’est joli, et en quelque sorte “méditatif”. C’est d’ailleurs un peu le summum du test pour moi, parce qu’à part la satisfaction de l’avoir terminé, je trouve ça inutile bien que ça me fasse envie !
  • Bidouiller pour mon stream. Sur Twitch, j’ai commencé à mettre en place un système de quêtes pour les coworkings, avec des objets à gagner, des effets, etc. Ça ne sert à rien, vraiment. Plus j’essaie de lui donner du sens moins j’y arrive. Et plus j’essaie de m’en détacher plus je kiffe. Alors je crois que le calcul est vite fait. ^^
  • Ecrire sur ce blog. Ça non plus, ça n’a pas trop d’utilité. Je ne sais pas si ça sert à quelqu’un, si ça inspire, si ça fait sourire. Pourtant, ça me procure de la joie, d’avoir mon petit espace à moi.

Je n’ai pas (encore) de section commentaires sur ce site, mais si vous avez envie de partager votre liste d’activité ou réagir à cette note, n’hésitez pas à passer sur Instagram ou Discord ! 🤗


  1. Travailler moins pour vivre mieux est un essai de Céline Marty qui questionne la place du travail dans notre société. Elle y parle d’inégalités, d’aliénation, de la manière dont on détermine notre valeur au travers d’une activité rémunératrice, etc. Si vous avez envie d’explorer des pistes pour décentraliser le travail de votre quotidien, ou simplement de prendre un temps pour réfléchir au concept même, je vous le recommande ! 

Notes liées

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Voici toutes les notes de ce digital garden, sous forme de graphique.